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FJ
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mercredi 21 mars 2018
Entre les régimes alimentaires restrictifs, les intolérances et le bien-manger, certains poussent la quête de l'alimentation saine trop loin.
Cela devient alors un trouble du comportement, l'orthorexie.
Véganisme, végétarisme, régimes sans gluten, sans lactose, sans sucre, préhistorique, crudivore... Les régimes alimentaires restrictifs sont nombreux. Si manger sainement est une préoccupation majeure et positive pour rester en bonne santé, un trouble du comportement alimentaire (TCA) guette les candidats à une alimentation toujours plus saine: l'orthorexie. Caractérisé par une attitude obsessionnelle vis-à-vis de l'alimentation, ce trouble atypique n'est pas scientifiquement considéré comme une maladie mais peut pourtant aller jusqu'à créer des carences graves. Anne Landry, psychothérapeute spécialisée, nous répond.
Qu'est-ce que l'orthorexie?
L'orthorexie se caractérise par l'obsession de manger sainement. Pour autant, vous préoccuper du contenu de vos repas ne fait pas de vous un orthorexique. Pour en avoir le coeur net, vous pouvez vous poser les questions suivantes, issues des observations du docteur Steven Bratman, qui nomme pour la première fois en 1997 ce trouble, du grec "orthos" -correct- et "orexis" -appétit-:
- Est-ce que je compte les calories de chaque aliment?
- Est ce que je passe plus de trois heures par jour à planifier mes repas?
- Est-ce que je planifie mes repas plusieurs jours à l'avance?
- Est-ce que la qualité de ma vie s'est dégradée à mesure que la qualité de ma nourriture s'est améliorée?
- Est-ce que je suis récemment devenu plus exigeant(e) avec moi-même?
- Est-ce que j'ai renoncé à des aliments que j'aimais pour les remplacer par des aliments sains?
- Est-ce que faire les courses dans un supermarché me rend confus?
- Est-ce que, lors des trois derniers mois, penser à la nourriture m'a inquiété?
- Est-ce que mes choix alimentaires sont influencés par cette inquiétude ou par une inquiétude sur mon état de santé?
- Est-ce que la qualité d'un aliment est plus importante que son goût lorsque je le choisis?
- Est-ce que je dépense plus pour avoir des aliments plus sains?
- Est-ce que je m'autorise des transgressions alimentaires ?
- Est-ce que mon humeur influence mes comportements alimentaires?
- Est-ce que j'ai la conviction que manger sainement augmente mon estime de moi?
- Est-ce que mon alimentation modifie mon style de vie: fréquence des repas au restaurant, repas en famille ou chez des amis?
- Est-ce que je crois que manger des aliments sains améliore mon apparence?
- Est-ce que je me sens coupable dès que je m'écarte de mon régime?
- Est-ce que je pense que même sur un marché il y a des aliments malsains?
- Est-ce que en ce moment, je mange seul mes repas?
- Est-ce que j'éprouve du mépris pour les gens qui n'ont pas la même discipline que moi?
Répondre oui à quelques questions ne fait pas de vous une personne orthorexique. Il est normal de vouloir dépenser un peu plus d'argent pour des aliments de bonne qualité, planifier ses repas lorsque l'on a une semaine chargée ou penser que manger sainement améliore son apparence. Toutefois, si vous répondez oui à une majorité de questions, il y a probablement chez vous un grand stress entourant le sujet de l'alimentation.
Pourquoi est-ce un trouble "atypique"?
C'est un comportement alimentaire dit "atypique" qui ne peut s'apparenter ni à l'anorexie ni à la boulimie. On la catégorise dans les problématiques comportementales du fait de sa caractéristique obsessionnelle et phobique: s'alimenter génère une appréhension très forte, l'angoisse de ne pas manger sainement, de se faire du mal, d'avoir une attitude destructrice vis-à-vis de son corps. La personne orthorexique éprouve une culpabilité très forte si elle déroge aux règles alimentaires qu'elle s'est fixées. Le sentiment de contrôler sa nourriture la rassure. Ce trouble se situe entre le trouble obsessionnel compulsif (TOC) et la phobie, mais à la différence du TOC généralement mal vécu par le patient, l'orthorexique s'assume et revendique souvent ses choix alimentaires.
Quels sont les risques?
En excluant graduellement plus d'aliments pour aller vers du "toujours mieux", la personne orthorexique risque de basculer vers une forme d'anorexie et/ou de boulimie. Les privations alimentaires entraînent des excès pour compenser le manque de nutriments ingérés. Ce sont néanmoins des cas rares. Encore plus rares sont les risques de carences mortelles -dans les cas extrêmes où la personne ne consomme plus qu'une liste extrêmement réduite d'aliments. Le cas le plus courant est celui de la désocialisation: impossible pour une personne orthorexique d'envisager une sortie au restaurant sans paniquer, car elle n'exercera dès lors plus aucun contrôle sur la qualité, la provenance et le mode de préparation des aliments.
Qu'est-ce qui peut causer l'orthorexie?
Une personne orthorexique aura tendance à être extrêmement exigeante avec elle-même -et parfois son entourage. En psychologie, on appelle cela un "sur-moi persécuteur". Ces personnes sont sujettes à une culpabilité forte ou très forte, doublée d'un désir de perfection et d'un besoin de valorisation de l'image de soi. Occuper obsessionnellement son esprit et son temps avec des questions d'ordre alimentaire permet de pallier ce mal-être et de juguler angoisses et anxiété en exerçant un contrôle sur son corps et sa vie.
Les préoccupations qui entourent la qualité de la nourriture sont d'autant plus fortes qu'elles sont alimentées par des informations parfois contradictoires ou anxiogènes. Tous les scandales sanitaires qui entourent la production alimentaire industrielle donnent à l'orthorexique un fondement réel sur lequel fonder ses restrictions.
La personne souffrant d'orthorexie recherche toujours plus de pureté et de perfection dans le contenu de son assiette. La recherche d'une alimentation toujours plus "propre" et "saine" renvoie à une culpabilité que l'on tente de laver par l'alimentation. Un peu comme dans les religions où la piété et la bonne conduite incluent l'alimentation, mais ici de façon extrême, rigide et caricaturale. On ne peut pas dire qu'un yogi qui suit les préceptes alimentaires liés à sa foi soit orthorexique. Toute la nuance se situe dans la façon dont chacun vit son rapport à la nourriture. Un orthorexique planifie, contrôle, angoisse et considère qu'il n'y a que deux catégories d'aliments: les bons et les mauvais. Son rapport à la nourriture est clivé.
Comment la repérer?
L'exigence de la personne orthorexique est croissante, la nourriture n'est jamais assez bien. Tout son être tente de toucher une perfection inaccessible et la panique est au rendez-vous s'il n'y a pas de plan de secours, par exemple en cas de dîner à l'extérieur. L'obsession et la focalisation touchent tous les domaines liés à la nourriture, que ce soit son origine, son mode de culture, sa préparation ou sa consommation. Une personne orthorexique peut par exemple exiger de ne consommer que des fruits ou des légumes cueillis depuis moins de deux heures, ou bien mastiquer durant des heures la même bouchée dans le but de la rendre plus digeste et mieux assimilable par l'organisme.
Le moment des courses peut également s'avérer fastidieux: décryptage scrupuleux des étiquettes, comparaison et besoin de surinformation quant aux qualités des aliments -nombre de calories, teneur en vitamines et minéraux, antioxydants. Un orthorexique peut également passer énormément de temps à la planification des repas, afin d'être certain de manger exactement ce qui est autorisé dans son système de valeurs. Les aliments sont classés selon un barème très personnel, avec la plupart du temps une absence totale de considération pour les qualités gustatives et la notion de plaisir que procurent les aliments. L'orthorexie cause également des problèmes avec l'entourage: l'absence de détachement vis-à-vis de la question de la nourriture, les discours rigides sur l'alimentation sont sources de conflits.
Les scandales alimentaires jouent-ils un rôle?
La personne souffrant d'orthorexie se calque involontairement sur un schéma que la psychologue Anne Landry qualifie "d'enfant sage et bon élève": être une personne irréprochable en contrôlant ses envies alimentaires à l'extrême. Manger "propre" lui permet donc également de se désolidariser d'une culture trop industrielle, en mettant en avant des revendications louables: "Je fais attention à l'environnement, au bien-être animal, etc.". Cette obsession est ancrée dans une réalité agroalimentaire existante, ce qui la rend d'autant plus rigide.
En quoi est-ce différent de l'anorexie?
L'anorexie se caractérise par le refus de s'alimenter généralement induit par un souci de minceur extrême.La personne orthorexique mange, mais selon une grille de lecture subjective et rigide héritée d'un mélange d'informations et de croyances sur les aliments considérés comme sains. La plupart du temps, l'anorexie débute par un régime. Comme l'orthorexique se fixe beaucoup de limites alimentaires, un régime trop exigeant et restrictif peut éventuellement conduire à l'anorexie.
Les personnes qui souffrent d'anorexie ont un comportement compensatoire lorsqu'elle s'alimentent: des purges et des activités physiques permettent d'éliminer le maximum de calories. Ce n'est pas le cas du tout chez l'orthorexique. Ce qui l'anime n'est pas en lien avec le poids ou l'esthétique corporelle. Par ailleurs, l'orthorexie touche autant les hommes que les femmes, alors que l'anorexie touche seulement 7% des hommes environ.
Pour certaines personnes ayant souffert d'anorexie, il peut y avoir une réorganisation de l'alimentation par de l'orthorexie. Une alimentation même très stricte est acceptable, car la personne mange à nouveau. N'oublions pas que parmi les pathologies psychiatriques, l'anorexie est la plus mortelle qui soit.
Comment s'en sortir?
La pathologie peut passer inaperçue pendant longtemps. Les personnes se souciant de leur alimentation sont perçues plutôt positivement dans notre société et on ne s'étonne plus de demander aux amis que l'on invite à dîner s'il y a des aliments qu'ils ne consomment pas. Si vous pensez souffrir d'orthorexie, ou connaître une personne qui en souffre, un travail sur les angoisses peut aider. Par exemple, consulter un psychologue spécialiste des troubles alimentaires et engager une thérapie. Se tourner vers des nutritionnistes ou diététiciens spécialistes du trouble alimentaire est également une bonne solution: ils vont aider la personne orthorexique à retrouver la sensation de faim, de satiété, le plaisir gustatif, tout en remettant les besoins énergétiques et humains au coeur de leur vie.
Beaucoup d'informations anxiogènes circulent sur l'alimentation. Les scandales sanitaires comme la grippe aviaire, le poulet aux hormones ou plus récemment les oeufs contaminés peuvent créer une angoisse face à l'assiette. L'idée que l'alimentation puisse être à risque est une crainte fondée qui ne fait pas de vous un orthorexique. Vouloir manger sain, bio, sans allergènes, végétarien ou végan non plus. Faire attention aux produits que l'on consomme est important pour la santé. L'orthorexie est une caricature extrême de tentative d'échapper à des dangers alimentaires, causée par d'autres angoisses plus profondes.
Source: Lexpress.fr. Par Anne-Charlotte Fraisse. Le 20/03/2018.
Cela devient alors un trouble du comportement, l'orthorexie.
Véganisme, végétarisme, régimes sans gluten, sans lactose, sans sucre, préhistorique, crudivore... Les régimes alimentaires restrictifs sont nombreux. Si manger sainement est une préoccupation majeure et positive pour rester en bonne santé, un trouble du comportement alimentaire (TCA) guette les candidats à une alimentation toujours plus saine: l'orthorexie. Caractérisé par une attitude obsessionnelle vis-à-vis de l'alimentation, ce trouble atypique n'est pas scientifiquement considéré comme une maladie mais peut pourtant aller jusqu'à créer des carences graves. Anne Landry, psychothérapeute spécialisée, nous répond.
Qu'est-ce que l'orthorexie?
L'orthorexie se caractérise par l'obsession de manger sainement. Pour autant, vous préoccuper du contenu de vos repas ne fait pas de vous un orthorexique. Pour en avoir le coeur net, vous pouvez vous poser les questions suivantes, issues des observations du docteur Steven Bratman, qui nomme pour la première fois en 1997 ce trouble, du grec "orthos" -correct- et "orexis" -appétit-:
- Est-ce que je compte les calories de chaque aliment?
- Est ce que je passe plus de trois heures par jour à planifier mes repas?
- Est-ce que je planifie mes repas plusieurs jours à l'avance?
- Est-ce que la qualité de ma vie s'est dégradée à mesure que la qualité de ma nourriture s'est améliorée?
- Est-ce que je suis récemment devenu plus exigeant(e) avec moi-même?
- Est-ce que j'ai renoncé à des aliments que j'aimais pour les remplacer par des aliments sains?
- Est-ce que faire les courses dans un supermarché me rend confus?
- Est-ce que, lors des trois derniers mois, penser à la nourriture m'a inquiété?
- Est-ce que mes choix alimentaires sont influencés par cette inquiétude ou par une inquiétude sur mon état de santé?
- Est-ce que la qualité d'un aliment est plus importante que son goût lorsque je le choisis?
- Est-ce que je dépense plus pour avoir des aliments plus sains?
- Est-ce que je m'autorise des transgressions alimentaires ?
- Est-ce que mon humeur influence mes comportements alimentaires?
- Est-ce que j'ai la conviction que manger sainement augmente mon estime de moi?
- Est-ce que mon alimentation modifie mon style de vie: fréquence des repas au restaurant, repas en famille ou chez des amis?
- Est-ce que je crois que manger des aliments sains améliore mon apparence?
- Est-ce que je me sens coupable dès que je m'écarte de mon régime?
- Est-ce que je pense que même sur un marché il y a des aliments malsains?
- Est-ce que en ce moment, je mange seul mes repas?
- Est-ce que j'éprouve du mépris pour les gens qui n'ont pas la même discipline que moi?
Répondre oui à quelques questions ne fait pas de vous une personne orthorexique. Il est normal de vouloir dépenser un peu plus d'argent pour des aliments de bonne qualité, planifier ses repas lorsque l'on a une semaine chargée ou penser que manger sainement améliore son apparence. Toutefois, si vous répondez oui à une majorité de questions, il y a probablement chez vous un grand stress entourant le sujet de l'alimentation.
Pourquoi est-ce un trouble "atypique"?
C'est un comportement alimentaire dit "atypique" qui ne peut s'apparenter ni à l'anorexie ni à la boulimie. On la catégorise dans les problématiques comportementales du fait de sa caractéristique obsessionnelle et phobique: s'alimenter génère une appréhension très forte, l'angoisse de ne pas manger sainement, de se faire du mal, d'avoir une attitude destructrice vis-à-vis de son corps. La personne orthorexique éprouve une culpabilité très forte si elle déroge aux règles alimentaires qu'elle s'est fixées. Le sentiment de contrôler sa nourriture la rassure. Ce trouble se situe entre le trouble obsessionnel compulsif (TOC) et la phobie, mais à la différence du TOC généralement mal vécu par le patient, l'orthorexique s'assume et revendique souvent ses choix alimentaires.
Quels sont les risques?
En excluant graduellement plus d'aliments pour aller vers du "toujours mieux", la personne orthorexique risque de basculer vers une forme d'anorexie et/ou de boulimie. Les privations alimentaires entraînent des excès pour compenser le manque de nutriments ingérés. Ce sont néanmoins des cas rares. Encore plus rares sont les risques de carences mortelles -dans les cas extrêmes où la personne ne consomme plus qu'une liste extrêmement réduite d'aliments. Le cas le plus courant est celui de la désocialisation: impossible pour une personne orthorexique d'envisager une sortie au restaurant sans paniquer, car elle n'exercera dès lors plus aucun contrôle sur la qualité, la provenance et le mode de préparation des aliments.
Qu'est-ce qui peut causer l'orthorexie?
Une personne orthorexique aura tendance à être extrêmement exigeante avec elle-même -et parfois son entourage. En psychologie, on appelle cela un "sur-moi persécuteur". Ces personnes sont sujettes à une culpabilité forte ou très forte, doublée d'un désir de perfection et d'un besoin de valorisation de l'image de soi. Occuper obsessionnellement son esprit et son temps avec des questions d'ordre alimentaire permet de pallier ce mal-être et de juguler angoisses et anxiété en exerçant un contrôle sur son corps et sa vie.
Les préoccupations qui entourent la qualité de la nourriture sont d'autant plus fortes qu'elles sont alimentées par des informations parfois contradictoires ou anxiogènes. Tous les scandales sanitaires qui entourent la production alimentaire industrielle donnent à l'orthorexique un fondement réel sur lequel fonder ses restrictions.
La personne souffrant d'orthorexie recherche toujours plus de pureté et de perfection dans le contenu de son assiette. La recherche d'une alimentation toujours plus "propre" et "saine" renvoie à une culpabilité que l'on tente de laver par l'alimentation. Un peu comme dans les religions où la piété et la bonne conduite incluent l'alimentation, mais ici de façon extrême, rigide et caricaturale. On ne peut pas dire qu'un yogi qui suit les préceptes alimentaires liés à sa foi soit orthorexique. Toute la nuance se situe dans la façon dont chacun vit son rapport à la nourriture. Un orthorexique planifie, contrôle, angoisse et considère qu'il n'y a que deux catégories d'aliments: les bons et les mauvais. Son rapport à la nourriture est clivé.
Comment la repérer?
L'exigence de la personne orthorexique est croissante, la nourriture n'est jamais assez bien. Tout son être tente de toucher une perfection inaccessible et la panique est au rendez-vous s'il n'y a pas de plan de secours, par exemple en cas de dîner à l'extérieur. L'obsession et la focalisation touchent tous les domaines liés à la nourriture, que ce soit son origine, son mode de culture, sa préparation ou sa consommation. Une personne orthorexique peut par exemple exiger de ne consommer que des fruits ou des légumes cueillis depuis moins de deux heures, ou bien mastiquer durant des heures la même bouchée dans le but de la rendre plus digeste et mieux assimilable par l'organisme.
Le moment des courses peut également s'avérer fastidieux: décryptage scrupuleux des étiquettes, comparaison et besoin de surinformation quant aux qualités des aliments -nombre de calories, teneur en vitamines et minéraux, antioxydants. Un orthorexique peut également passer énormément de temps à la planification des repas, afin d'être certain de manger exactement ce qui est autorisé dans son système de valeurs. Les aliments sont classés selon un barème très personnel, avec la plupart du temps une absence totale de considération pour les qualités gustatives et la notion de plaisir que procurent les aliments. L'orthorexie cause également des problèmes avec l'entourage: l'absence de détachement vis-à-vis de la question de la nourriture, les discours rigides sur l'alimentation sont sources de conflits.
Les scandales alimentaires jouent-ils un rôle?
La personne souffrant d'orthorexie se calque involontairement sur un schéma que la psychologue Anne Landry qualifie "d'enfant sage et bon élève": être une personne irréprochable en contrôlant ses envies alimentaires à l'extrême. Manger "propre" lui permet donc également de se désolidariser d'une culture trop industrielle, en mettant en avant des revendications louables: "Je fais attention à l'environnement, au bien-être animal, etc.". Cette obsession est ancrée dans une réalité agroalimentaire existante, ce qui la rend d'autant plus rigide.
En quoi est-ce différent de l'anorexie?
L'anorexie se caractérise par le refus de s'alimenter généralement induit par un souci de minceur extrême.La personne orthorexique mange, mais selon une grille de lecture subjective et rigide héritée d'un mélange d'informations et de croyances sur les aliments considérés comme sains. La plupart du temps, l'anorexie débute par un régime. Comme l'orthorexique se fixe beaucoup de limites alimentaires, un régime trop exigeant et restrictif peut éventuellement conduire à l'anorexie.
Les personnes qui souffrent d'anorexie ont un comportement compensatoire lorsqu'elle s'alimentent: des purges et des activités physiques permettent d'éliminer le maximum de calories. Ce n'est pas le cas du tout chez l'orthorexique. Ce qui l'anime n'est pas en lien avec le poids ou l'esthétique corporelle. Par ailleurs, l'orthorexie touche autant les hommes que les femmes, alors que l'anorexie touche seulement 7% des hommes environ.
Pour certaines personnes ayant souffert d'anorexie, il peut y avoir une réorganisation de l'alimentation par de l'orthorexie. Une alimentation même très stricte est acceptable, car la personne mange à nouveau. N'oublions pas que parmi les pathologies psychiatriques, l'anorexie est la plus mortelle qui soit.
Comment s'en sortir?
La pathologie peut passer inaperçue pendant longtemps. Les personnes se souciant de leur alimentation sont perçues plutôt positivement dans notre société et on ne s'étonne plus de demander aux amis que l'on invite à dîner s'il y a des aliments qu'ils ne consomment pas. Si vous pensez souffrir d'orthorexie, ou connaître une personne qui en souffre, un travail sur les angoisses peut aider. Par exemple, consulter un psychologue spécialiste des troubles alimentaires et engager une thérapie. Se tourner vers des nutritionnistes ou diététiciens spécialistes du trouble alimentaire est également une bonne solution: ils vont aider la personne orthorexique à retrouver la sensation de faim, de satiété, le plaisir gustatif, tout en remettant les besoins énergétiques et humains au coeur de leur vie.
Beaucoup d'informations anxiogènes circulent sur l'alimentation. Les scandales sanitaires comme la grippe aviaire, le poulet aux hormones ou plus récemment les oeufs contaminés peuvent créer une angoisse face à l'assiette. L'idée que l'alimentation puisse être à risque est une crainte fondée qui ne fait pas de vous un orthorexique. Vouloir manger sain, bio, sans allergènes, végétarien ou végan non plus. Faire attention aux produits que l'on consomme est important pour la santé. L'orthorexie est une caricature extrême de tentative d'échapper à des dangers alimentaires, causée par d'autres angoisses plus profondes.
Source: Lexpress.fr. Par Anne-Charlotte Fraisse. Le 20/03/2018.