Françoise Guillemot est médecin généraliste à Bellegarde. Depuis 2014, elle travaille en binôme avec une infirmière, pour une meilleure efficacité et plus de patients pris en charge. Son mode d’exercice a même inspiré le dernier plan santé du gouvernement. Entretien.
Quelle est la genèse de ce mode d’exercice ?
Il y a cinq ans, je me suis retrouvée seule au sein du cabinet, après les départs de mes deux associés. Il a fallu trouver une solution pour me mettre en capacité de voir plus de patients, dans le même temps. En octobre 2014, j’ai embauché une infirmière, Marie Lorenzo, pour m’aider et j’ai dû licencier ma secrétaire, qui ne m’avançait pas assez dans mon temps médical. Je réfléchissais depuis longtemps au fait d’avoir quelqu’un, avec moi, dans l’enceinte même de la salle d’examen, pour m’aider, afin que je prenne moins de temps par patient. Pour travailler en binôme correctement, il fallait avoir deux salles d’examen. Au sein de mon cabinet, il y en a trois.
Comment cela s’est-il concrétisé ?
Avec Marie, nous avons appris à travailler en binôme, côte à côte. Chaque patient est vu par le binôme, je valide tout. Sauf quand je vois quelqu’un toute seule parce que Marie prend plus de temps avec un autre patient. Cela nous laisse plus de liberté par rapport au temps de consultation, qui peut varier de dix minutes à une heure. L’infirmière prend en charge tout le côté prévention dont je ne m’occupe pas. Elle vérifie que les vaccins, les examens de surveillance, sont à jour, si les patients ont eu récemment un bilan sanguin, si une dame a bien eu ses frottis et ses mammographies, etc.
Pourquoi faire appel à une infirmière ?
Seule une infirmière avait les compétences qui me permettaient de lui déléguer des tâches. Dans une salle d’attente, une infirmière est capable de repérer quelqu’un qui a un problème, a une douleur thoracique ou est susceptible d’avoir quelque chose de grave. Elle peut réaliser un électrocardiogramme que j’interprète par la suite, réaliser une glycémie capillaire, prendre les constantes… Lors de la consultation, elle peut réaliser une intraveineuse pour une lombalgie, un strepto-test, traiter une plaie… Au final, on discute, on prend une décision commune. C’est moi qui la valide et suis responsable. Elle apporte une énorme plus-value dans l’éducation thérapeutique des patients : elle parle avec la femme enceinte, la maman en charge du bébé, agit pour la prise en charge de l’obésité chez l’enfant…
Quel bilan dressez-vous ?
Cela permet de gagner en efficacité et de dégager du temps d’expertise pour le médecin. Ce système m’a permis de recevoir plus de 30 % de patients supplémentaires au cabinet. Quand je travaille avec Marie, on peut voir 45 personnes chaque jour, dont une dizaine en urgence. Je n’ai jamais été aussi bien accompagnée que depuis que je suis un médecin isolé. On forme une vraie équipe. On est beaucoup plus productif en termes de nombre de patients pris en charge. C’est une plus-value au niveau de l’efficience de la prise en charge, avec tout le côté de la prévention, très important. Cela m’a permis de me recentrer sur mon travail d’experte en médecine générale pour établir des diagnostics et soigner les patients. Nous avons assez de médecins en France pour soigner tout le monde. Il faudrait juste que les médecins acceptent de travailler intelligemment et de se faire aider.