Manger n’est plus sans danger !
Plus de sucres, de gras et moins de qualités nutritionnelles… Les innovations et la mondialisation du secteur agroalimentaire sont pointées du doigt. D’après une récente étude, les consommateurs sont de plus en plus sujet au diabète, aux maladies cardiovasculaires et au cancer.
De 1970 à 2010, la consommation de sucres s’est considérablement accrue dans le monde entier. Dans le même temps, la multiplication du nombre de brevets liés aux innovations agroalimentaires a contribué à détériorer l’apport nutritionnel quotidien, comme le soulignent les économistes Anne-Célia Disdier, Fabrice Etilé et Lorenzo Rotunno dans un récent article. Cette exploration dans le monde de l’industrie alimentaire questionne sur l’impact sanitaire de ce modèle économique.
« Sans maïs, il n’y a pas de pays », scande une campagne de communication mexicaine visant à interdire le maïs transgénique états-unien pour la consommation humaine. Alors que le Mexique est le berceau du maïs avec près de 60 variétés sauvegardées depuis sa domestication il y a 10 000 ans, cette graine sacrée est aujourd’hui sérieusement menacée par l’introduction du maïs génétiquement modifié en provenance des États-Unis. Au départ principalement destiné à l’élevage dans le cadre de l’accord de libre-échange (ALENA, 1994), il est progressivement entré dans la chaîne de l’industrie agroalimentaire, qui l’utilise pour produire des aliments à bas prix.
Depuis, le gouvernement mexicain a prévu l’interdiction du maïs transgénique pour la consommation humaine à compter de 2024. Toutefois, cette décision n’a pas été du goût des États-Unis qui ont dénoncé une violation des accords de libre-échange. En réponse, les autorités mexicaines ont souligné, littérature scientifique à l’appui, que le maïs génétiquement modifié était dangereux pour la santé de leurs citoyens.
Au-delà, la balance nutritionnelle des habitants est aussi influencée par les innovations alimentaires, comme celles des OGM par exemple.
Depuis les années 1990, ces innovations se sont multipliées à l’heure où les marchés s’ouvraient davantage à la mondialisation. En effet, les deux vont de pairs : les innovations ne sont rentables que si elles se produisent à grande échelle. La taille du marché doit donc être suffisamment grande pour amortir les coûts que suscite leur production. Si les mauvaises habitudes alimentaires sont liées à la hausse du commerce international et à l’importation de produits industriels, elles sont aussi influencées par l’augmentation des nouvelles technologies agroalimentaires. C’est l’hypothèse que font les chercheurs en économie Anne-Célia Disdier, Fabrice Etilé et Lorenzo Rotunno pour analyser l’impact de ces innovations sur la nutrition des habitants de 67 pays (38 à haut revenu et 29 à revenu moyen) de 1970 à 2010.
Une multiplication des brevets dans l’agroalimentaire
Les brevets représentent de bons indicateurs de l’évolution des innovations alimentaires. Sur toute la période allant de 1970 à 2010, les auteurs ont calculé une augmentation de 138 % des brevets alimentaires pour les pays à haut revenu. Cette hausse va jusqu’à 246 % pour les pays à moyen revenu. Selon AgroMédia, l’industrie agroalimentaire déposerait entre 200 à 250 brevets par an. Par ailleurs, le nombre de brevets exclusivement liés aux aliments ultra-transformés s’est accru sur toute la période, allant jusqu’à représenter 40 % du total des brevets.
Les brevets permettent d’éviter les contrefaçons et les concurrences déloyales entre entreprises. Ils sont aussi un moyen de récompenser les efforts en matière de recherche et développement. Les innovations peuvent permettre aux entreprises de répondre à leurs exigences de rendement tout autant qu’aux nouveaux enjeux sanitaires des consommateurs, comme c’est le cas avec le brevetage de produits anti-allergènes comme les gaufres sans gluten ou bien encore les substituts végétaliens aux protéines animales par exemple. Les brevets peuvent aussi bien concerner une recette de cuisine que les technologies de préparation des aliments, les composants alimentaires comme les édulcorants ou les aliments transformés génétiquement. Ils vont jusqu’aux pâtes que nous mangeons, comme c’est le cas de la tortiglione de Barilla dont la forme en hélice a été déposée depuis 2017.
Toutefois, et malgré les avancées techniques et sanitaires, la multiplication du brevetage alimentaire pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’alimentation des citoyens. En effet, sur la période étudiée par les auteurs, de 1970 à 2010, l’apport calorique en graisses (issues de l’huile, du beurre ou de la crème) a augmenté de 30 % dans les pays à haut revenu et jusqu’à 78 % dans les pays à revenu moyen. Quant aux calories provenant de la consommation de sucres, elles ont augmenté jusqu’à 25 % chez ces derniers. Quel est donc l’impact exact de l’augmentation des innovations sur la malnutrition ?
Source : https://lejournal.cnrs.fr/