Les cas de bactéries mangeuses de chair ont augmenté en 2024.
L’aire de répartition de ces microbes semble s’étendre à mesure que le changement climatique réchauffe les eaux côtières.
Les inondations massives entraînées par les ouragans de cet automne, qui ont tragiquement emporté avec elles des foyers et des populations dans l’ouest de la Floride, ont également apporté sur le rivage un ennemi dangereux : une bactérie microscopique qui a rendu malades et tué des dizaines de personnes.
Cette bactérie, Vibrio vulnificus, se développe dans des eaux saumâtres chaudes, comme les eaux côtières du golfe du Mexique et de l’océan Atlantique que les tempêtes ont emportées avec elles à l’intérieur des terres. Ces microbes peuvent ronger la peau, provoquer de graves troubles gastro-intestinaux et entraîner une septicémie mortelle. En Floride, et ce, en grande partie à cause des tempêtes, les cas graves ont doublé en 2024 par rapport à l’année précédente, rendant malades quatre-vingt-deux personnes dans l’État au début du mois de décembre ; seize d’entre elles sont décédées.
Au niveau international, la bactérie s’est également développée à des latitudes plus élevées, notamment autour du Chili et des pays bordant la mer Baltique, où la température de l’eau a augmenté plus rapidement qu’ailleurs. Les scientifiques estiment qu’à l’échelle mondiale, les conditions favorables à la bactérie sont réunies 10 % plus souvent que dans les années 1980.
« Avant que nous ne commencions à voir augmenter les températures mondiales, les cas d’infection à Vibrio étaient assez rares. Comme les conditions propices à leur prolifération [sont réunies sur un territoire] de plus en plus étendu, il est naturel que les cas [causés par] ces agents pathogènes deviennent plus nombreux », explique Salvador Almagro-Moreno, dont le laboratoire au St. Jude Children’s Research Hospital de Memphis, dans le Tennessee, étudie le micro-organisme.
Cependant, bien que cette menace pour la santé soit grandissante, on en sait encore peu sur la raison pour laquelle certaines souches sont dangereuses et d’autres bénignes, ce qui fait que les souches problématiques ne se trouvent que dans certaines eaux et sur la manière exacte dont elles se comportent dans le corps humain. De plus en plus de personnes étant exposés, il est crucial de répondre à ces questions.
LE GENRE VIBRIO
Sur plus d’une centaine d’espèces appartenant au genre Vibrio, quatre sont à l’origine de la majorité des problèmes de santé. La plupart des personnes connaissent au moins, de manière indirecte, les affections qu’elles provoquent.
Vibrio vulnificus, l’espèce qui a rendu les personnes malades en Floride, est le microbe qui se cache la plupart du temps sous un nom faisant les gros titres de la presse : la « bactérie mangeuse de chair ». Cette espèce, ainsi que Vibrio parahaemolyticus et Vibrio alginolyticus, contamine les coquillages tels que les palourdes et les huîtres, pouvant ainsi décimer les stocks halieutiques et provoquer de graves troubles gastro-intestinaux et une déshydratation chez les personnes qui les consomment crus ou pas assez cuits. Enfin, la bactérie Vibrio cholerae est à l’origine de la maladie diarrhéique nommée choléra, qui touche chaque année jusqu’à 3 millions de personnes dans le monde entier et provoque 95 000 décès.
Même au sein de ces espèces, certaines souches sont inoffensives. À l’heure actuelle, les chercheurs s’efforcent de déterminer les facteurs spécifiques, notamment la salinité de l’eau, la disponibilité des nutriments et la biodiversité environnante, qui permettent aux souches les plus dangereuses de se développer.
Les espèces dangereuses apparaissent rarement dans l’océan Pacifique ; les souches de Vibrio vulnificus sont endémiques de l’océan Atlantique et des eaux côtières du golfe. Même dans leur environnement naturel, les scientifiques ne comprennent pas complètement le rôle qu’elles y jouent, bien qu’une de leurs fonctions consisterait à dégrader la « neige marine » constituée de matière organique, indique Salvador Almagro-Moreno.
Les vastes étendues d’océan étant pauvres en nutriments dont elles ont besoin pour survivre, les bactéries passent la majeure partie de leur temps dans un état de dormance. Toutefois, lorsqu’elles sont exposées à un afflux de nutriments, elles se développent, se multiplient et prolifèrent.
Source : FJ