Découverte de l’année la revue Science récompense un nouveau traitement contre le Sida.
Comme chaque année la prestigieuse revue Science récompense la découverte la plus significative en sciences. Cette fois-ci c’est un traitement très prometteur contre le sida qui a été nommé Breakthrough of the year. Il s’agit d’un antiviral déjà commercialisé pour les patients souffrant d’une infection résistante, et dont l’injection permet de bloquer la réplication du VIH.
Une efficacité de 100% pour éviter l'infection, c'est l'impressionnant résultat obtenu par un essai clinique de phase 3 testant une nouvelle stratégie de protection contre le virus du sida en Afrique. Une seconde étude confirmait cet effet considérable : "99,9 % d’efficacité sur des travaux intercontinentaux", ajoute le communiqué de presse.
Il ne s'agit pas d'un vaccin, mais d'un antiviral, le lénacapavir, commercialisé depuis deux ans pour les patients souffrant déjà d'une infection résistante aux autres traitements. Ce thérapeutique de dernière ligne a donc été testé comme moyen de prévention. Avec un atout majeur sur les autres techniques de prophylaxie pré-exposition au VIH, dites Prep : seulement une injection tous les six mois a suffi pour protéger les femmes incluses dans l'essai, contre un comprimé oral quotidien habituellement pour les Truvada et Descovy déjà utilisés aujourd'hui. Surtout, le niveau de protection s'est révélé supérieur à ces deux médicaments.
Le succès de ce traitement est le fruit de récents progrès sur la connaissance du VIH et en particulier de sa capside, l’enveloppe qui protège l’ARN du virus. C’est la cible du lénacapavir. Aujourd’hui, il est nommé Breakthrough of the year par la revue Science. L’année dernière c’est la “molécule miracle” GLP-1 qui avait obtenu cette récompense. Elle avait d’ailleurs fait l’objet d’un dossier dans le mensuel Sciences et Avenir.
Une première étude sur plus de 5000 femmes non-atteintes par le VIH
Le 24 juillet dernier paraissait les résultats d’un essai clinique impliquant 8100 participantes âgées de 16 à 25 ans, en Afrique du Sud et en Ouganda. Parmi elles, 5338 n’étaient, initialement, pas atteintes par le VIH. Elles ont été séparées en trois groupes : certaines femmes ont reçu le lenacapavir en sous-cutané toutes les 26 semaines, tandis que les autres ont reçu chaque jour une dose orale de emtricitabine/ ténofovir alafénamide (Descovy) et celles d'un troisième groupe une dose orale quotidienne de emtricitabine/ ténofovir disoproxil fumarate (Truvada).
Résultat ? Sur les 5338 personnes qui étaient initialement négatives pour le VIH, 55 ont été contaminées au cours de l'étude. 39 infections ont eu lieu dans le groupe Descovy (2136 participantes) et 16 dans le groupe Truvada (1068 participantes). En revanche, aucune femme traitée avec le lenacapavir (2134 personnes) n'a été infectée. "L'incidence du VIH avec le lenacapavir était significativement inférieure à l'incidence de base du VIH et à l'incidence du VIH avec F/TDF (Truvada, ndlr)", souligne l'étude. En outre, les auteurs de cette étude ne relèvent pas de problème de sécurité concernant le lenacapavir. Seulement des réactions fréquentes sur le site d'injection.
Cibler la capside pour figer le virus
Pour bien comprendre le fonctionnement du lénacapavir, il faut revenir sur la structure du VIH. Ce virus sphérique est entouré d’une enveloppe lipidique. Il possède deux brins d’ARN, eux-mêmes protégés par une couche protéique appelée “capside”. Ce génome lui permet de proliférer : quand une cellule est infectée, les brins d’ARN sont libérés, convertis en ADN puis lus et enfin traduits en protéines qui formeront de nouveaux virus.
Mais le point faible du VIH réside en réalité dans son bouclier, la capside. Pour pouvoir se répliquer, le virus est dépendant d’enzymes bien précises : la transcriptase inverse, l'intégrase, et la protéase. Or c’est la capside qui contient et protège ces outils indispensables. “Le lénacapavir bloque les étapes clés de la réplication virale en rigidifiant la protéine qui constitue la capside,” simplifie le communiqué de presse.
Une prise en charge moins stigmatisante
Les résultats de l’essai ont été si concluants que ce dernier a même été interrompu prématurément pour permettre à toutes les participantes de bénéficier des injections. La présentation des travaux publiés dans le New England Journal of Medicine lors de la conférence AIDS 2024 fin juillet à Munich (Allemagne) a également valu une ovation à la chercheuse sud-africaine Linda-Gail Bekker. Ce traitement est d’autant plus prometteur qu’il ne nécessite que deux injections par an, contre un comprimé quotidien jusqu’à présent.
Reste à savoir par quel moyen ce médicament se retrouvera finalement sur le continent africain. Quelle logistique pour la production ? Quel prix ? Et quand sera-t-il finalement accessible ? Autant de questions qu'il faudra trancher pour observer une vraie rupture dans la prise en charge du Sida. L’approbation réglementaire est attendue courant 2025.
Source : https://www.sciencesetavenir.fr/