L'obésité est-elle une maladie ? Un débat clivant de la médecine moderne.
Un obèse est-il toujours malade ? Cette question suscite un débat intense, mêlant enjeux médicaux et lutte contre les discriminations. Des spécialistes internationaux parviennent, dans un article scientifique publié mercredi dans Lancet Diabetes & Endocrinology, à une réponse nuancée, qui pourrait ne pas satisfaire pleinement l'une ou l'autre des parties.
L'obésité est-elle systématiquement une maladie ? La question, au carrefour des enjeux médicaux et des luttes contre les discriminations, suscite des débats intenses. Des experts internationaux viennent de s'accorder sur une position nuancée, au risque de ne satisfaire aucun des deux camps.
"L'idée que l'obésité soit une maladie est au fondement de l'un des débats les plus controversés et clivant de la médecine moderne", résume un article publié mercredi 15 janvier dans Lancet Diabetes & Endocrinology. Ce travail, rédigé par des dizaines de spécialistes, propose une redéfinition de l'obésité et de ses implications médicales.
D'âpres débats sociétaux
Particulièrement sensible, le sujet provoque des échanges qui dépassent largement la sphère médicale. Bien que l’obésité soit liée à de nombreuses pathologies telles que le diabète ou les maladies cardiovasculaires, certains estiment qu'une personne obèse peut parfois être en bonne santé et que le surpoids devrait être perçu avant tout comme un facteur de risque. Pour d'autres, l'obésité doit être vue comme une maladie en soi, ce qui est également l'avis de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ce débat est aussi influencé par des questions de lutte contre la stigmatisation. Certains militants antigrossophobie estiment qu'il est injuste de considérer l'apparence corporelle des personnes obèses comme pathologique. Pourtant, il serait réducteur de limiter la controverse à un simple affrontement entre patients et médecins.
En effet, de nombreux patients pensent qu'il est crucial de reconnaître l'obésité comme une maladie pour être pris au sérieux et bénéficier de politiques de santé publique adaptées. À l'inverse, plusieurs médecins jugent que cette approche pourrait nuire à une prise en charge adéquate, car l'obésité, souvent associée à d'autres maladies, ne devrait pas être vue comme une pathologie unique.
Les discussions sur cette question sont particulièrement vives avec l'arrivée de traitements de perte de poids très efficaces, comme le Wegovy. Bien que leur efficacité soit prouvée, des interrogations subsistent quant à leurs effets secondaires et à leur utilisation : faut-il les prescrire à grande échelle ou les réserver aux patients les plus touchés par leurs problèmes de santé ?
"Personne n'a totalement raison, personne n'a totalement tort"
En fin de compte, "personne n’a totalement raison, personne n’a totalement tort", a déclaré Francesco Rubino, chirurgien de l'obésité et président des travaux de la commission d'experts, lors d'une conférence de presse.
Les nouvelles recommandations privilégient une approche nuancée : en résumé, l'obésité est une maladie... mais pas toujours. Les experts soulignent un point fondamental désormais largement accepté : l'indice de masse corporelle (IMC), qui mesure le rapport entre poids et taille, est insuffisant. Il doit être complété par d'autres examens, comme la mesure du tour de taille ou des techniques de radiologie pour évaluer la quantité de graisse corporelle.
Même en cas d'obésité, les experts ne considèrent pas systématiquement qu'il s'agit d'une maladie. Selon eux, l'obésité devient "clinique" uniquement si des signes de dysfonctionnement apparaissent dans certains organes. Sinon, il s'agit d'une "obésité préclinique", un état qui nécessite principalement des mesures préventives et non nécessairement des traitements médicamenteux ou chirurgicaux, afin d'éviter une "surmédicalisation".
Ces conclusions visent à apaiser les tensions, mais risquent de mécontenter tant les partisans de la reconnaissance systématique de l'obésité comme maladie que ceux qui doutent de cette classification. Par exemple, Anne-Sophie Joly, fondatrice du Collectif national des associations d'obèses (CNAO), juge que ces conclusions sont contre-productives pour la santé publique. Elle critique des experts déconnectés de la réalité des patients obèses, qui se heurtent à un suivi médical insuffisant.
De son côté, Sylvie Benkemoun, psychologue et présidente du Groupe de réflexion sur l'obésité et le surpoids (Gros), estime que les recommandations des experts sont insuffisantes. Bien qu'elles amorcent, selon elle, une réflexion intéressante, elles ne répondent pas réellement aux défis de la prise en charge de l’obésité et risquent de ne pas changer les pratiques des soignants.
Source : https://www.france24.com/