Envolée des dépenses de médicaments : la CNAM fait campagne pour la déprescription.
Portées par le nombre croissant de patients en ALD et les prix des traitements innovants, les dépenses de médicaments remboursées par l’Assurance maladie ont progressé rapidement ces dernières années (+3,4 % par an depuis 2021). Pour freiner cette tendance, la CNAM a lancé une campagne nationale visant à convaincre patients et prescripteurs que « le bon traitement n’est pas forcément un médicament ».
Alors que les comptes sociaux sont dans le rouge avec un déficit programmé de 14,6 milliards d’euros de la branche maladie fin 2024, la CNAM se préoccupe de la forte croissance des dépenses liées aux médicaments ces dernières années.
En 2023, l’Assurance maladie a en effet remboursé 25,5 milliards d’euros de médicaments. « Après une phase de stabilité jusqu’en 2020, nous assistons à un redémarrage de la croissance des dépenses annuelles de 3,4 % depuis 2021 », observe Thomas Fatôme, directeur de la Cnam, selon qui cette évolution pose « un enjeu de santé publique, mais aussi de soutenabilité financière ».
Une dynamique portée par les traitements innovants
Si les prescriptions demeurent majoritairement issues de la médecine de ville, la part des dépenses remboursées liées à des prescriptions de médecins exerçant à l’hôpital a progressé de 12 points entre 2017 et 2023 pour atteindre 45 % du total.
Le niveau de prise en charge par l’Assurance maladie n’a cessé de s’accroître, ces dernières années, puisque la Cnam rembourse près de 91 % des dépenses des patients pour leurs médicaments délivrés en ville et à l’hôpital (+3,5 points depuis 2017). Cette évolution s’explique par la part croissante de patients pris en charge à 100 % dans le cadre des affections de longue durée (ALD) et du poids plus important des médicaments innovants et coûteux remboursés intégralement. La part des traitements innovants (dont l’amélioration du service médical rendu – ASMR – est classé de 1 à 3) est passée de 20 % à 26 % du total des dépenses de médicaments entre 2017 et 2022.
Les dépenses d’anticancéreux ont fortement augmenté
Les classes de médicaments qui ont le plus pesé dans la dynamique des dépenses depuis l’an dernier sont les anticancéreux (+345 millions d’euros en un an), autrefois délivrés à l’hôpital et qui le sont désormais en officine, les immunosuppresseurs (+219 millions d’euros), en hausse de 60 % depuis 2017 en raison notamment de la montée en charge de Stelara (ustékinumab indiqué dans la maladie de Crohn, la RCH, le psoriasis, le rhumatisme psoriasique) et les traitements du système nerveux (+208 millions d’euros).
Cette évolution des dépenses de médicaments intervient alors que les génériques (50 % du prix du princeps) ont gagné un peu de terrain ces dernières années.
La part des médicaments génériques atteint près de 93 % du répertoire et environ 30 % des boîtes de médicaments délivrées sont génériques, contre 5 % il y a cinq ans. Les biosimilaires, médicaments biologiques dont le brevet est tombé dans le domaine public, ont quant à eux peu percé, ne pesant que pour 2,5 milliards d’euros. La CNAM mise sur leur déploiement.
41 boîtes par an en moyenne !
Chaque Français consomme en moyenne 41 boîtes de médicaments (selon les chiffres des boîtes remboursées) par an avec bien évidemment de fortes disparités entre les âges.
Les patients de moins de 18 ans consomment en moyenne environ 1 boîte de médicaments par mois. Entre 18 et 44 ans, ils en utilisent près de 2 par mois en moyenne, puis plus de 3,5 boîtes entre 45 et 64 ans, plus de 6 entre 65 et 79 ans pour atteindre près de 10 boîtes par mois pour les patients de plus de 80 ans.
Selon la CNAM, les médicaments représentent un remboursement moyen de 410 euros par an par patient, avec une forte évolution quand le patient avance en âge (131 euros en moyenne par an pour les 0-18 ans, 1 075 euros pour les plus de 80 ans), mais aussi selon le sexe.
Chez les plus de 80 ans, l’écart est en effet très significatif puisque la dépense moyenne des médicaments remboursés est de 852 euros par an pour les femmes contre 1 432 euros pour les hommes. Cette différence s’explique, selon la CNAM, par le coût plus élevé de médicaments prescrits chez les hommes pour le traitement du cancer de la prostate, mais aussi certains médicaments dits orphelins.
« La France demeure dans le trio de tête parmi les consommateurs de médicaments avec l’Allemagne et l’Espagne », a déclaré Thomas Fatôme.
82 % des médecins généralistes français témoignent d’ailleurs dans cette enquête (300 ont été interrogés) être l’objet de pressions de leurs patients pour la prescription de médicaments.
Pour autant, près de 9 Français sur 10 déclarent qu’ils seraient satisfaits d’une consultation sans prescription avec une explication des motifs.
Bientôt une consultation de déprescription
Depuis plusieurs mois, l’Assurance maladie encourage les médecins à prescrire moins et mieux. « Nous essayons depuis trois ans de mettre en place avec les médecins et les pharmaciens des mécanismes pour renforcer le bon usage des produits de santé », explique Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins à la CNAM.
La dernière convention médicale met en avant 15 programmes de pertinence des soins dont cinq concernent le médicament. Ces programmes ont pour objectifs de baisser de 10 % les prescriptions d’antibiotiques d’ici à 2025, limiter le recours aux analgésiques de niveau 2, réduire les prescriptions hors indications thérapeutiques remboursables et recentrer les IPP sur les indications de la HAS.
Dans le but notamment d’éviter les interactions médicamenteuses, les médecins sont également invités à réduire la prescription des 6,7 millions de patients polymédiqués (+ de cinq molécules) et des 1,6 million d’hyperpolymédiqués (+ de 10 molécules).
Une consultation longue (GL) annuelle de déprescription de 60 euros, destinée aux patients de 80 ans hyperpolymédiqués, doit entrer en vigueur début 2026.
Les pharmaciens sont quant à eux incités par un récent avenant à réaliser un bilan de médication pour les patients âgés polymédiqués.
Le contrôle des prescriptions demeure un sujet épineux. Un récent décret, applicable depuis le 1er novembre, a particulièrement agacé les médecins. Il prévoit que « la prise en charge d’un produit de santé puisse être conditionnée au renseignement par le prescripteur d’éléments relatifs aux circonstances et aux indications de la prescription ».
Pourtant, le patron de la CNAM, Thomas Fatôme l’assure : « Personne ne souhaite remettre en cause la liberté de prescription des médecins. »
Source : https://www.univadis.fr/