« Il faut investir si on ne veut pas être dépassé par un tsunami » : les cancers digestifs frappent de plus en plus les jeunes adultes.
En France, le nombre de cas de nouveaux cancers augmente chaque année. Et il touche de plus en plus les jeunes adultes, sans qu’aucune causalité ne l’explique, alerte sur RTL Fabrice Barlesi, directeur général de l’institut Gustave-Roussy, la veille de la journée mondiale contre le cancer organisée ce mardi 4 février.
Plus que jamais, la lutte contre le cancer doit demeurer offensive. C’est la première cause de mortalité prématurée en France devant les maladies cardiovasculaires, rappelle la Fondation de la recherche contre le cancer à l’occasion de la journée mondiale contre cette pathologie organisée ce 4 janvier. En 2023, 433 000 nouveaux diagnostics ont été établis (dont 57 % chez l’homme), contre 382 000 cas en 2018.
C’est un fait, le nombre de nouveaux cas de cancer augmente chaque année, en raison de plusieurs facteurs. Le vieillissement de la population couplé à l’amélioration des dépistages l’expliquent notamment, ainsi que le maintien ou l’augmentation de certains comportements à risques. Ceux-ci divergent selon les genres, les hommes sont davantage touchés par le cancer de la prostate (+ 60 000 nouveaux cas en 2023) et les femmes par celui du sein (+61 000 nouveaux cas en 2023). Puis, ce sont ceux du poumon, et du côlon-rectum.
« C’est beaucoup de cancers digestifs »
À l’occasion de cette journée dédiée à la lutte contre le cancer, l’Institut Gustave Roussy alerte aussi sur le développement galopant du cancer chez les jeunes (20-40 ans). « C’est beaucoup de cancers digestifs. Cancers colorectaux, cancers de l’intestin grêle, cancer du pancréas…, liste Fabrice Barlesi, son directeur général et invité de RTL ce lundi 3 janvier. C’est quelque chose de beaucoup plus fréquent avec une pente croissante. On n’a pas encore atteint ce plateau et c’est notre inquiétude. Comment on va l’affronter, et quelles sont les causes et les origines de cette augmentation chez les sujets jeunes ? »
Selon le professionnel, s’il est possible de faire des liens, aucune causalité ne permet à ce jour d’anticiper la façon dont « l’épidémie » pourrait être jugulée, ni la manière pour traiter les jeunes patients. « C’est la raison pour laquelle il faut investir de manière massive dès aujourd’hui si on ne veut pas être dépassé par un tsunami », affirme-t-il.
Selon une étude internationale publiée en 2023 dans le British medical journal, les cancers chez les moins de 50 ans ont augmenté de 79,1 % entre 1990 et 2019 dans le monde. Une autre publication en décembre 2024, dans le Lancet Oncology, envisage une hausse d’environ 12 % du nombre de nouveaux cas de cancer et de décès liés chez les patients de moins de 40 ans entre 2022 et 2050.
En France, des données de GLOBOCAN précisent les hausses les plus marquées des cancers chez les personnes âgées de 20 à 39 ans, en France entre 1998 et 2017. Soit ceux des cancers colorectaux (+5,4 % chez les femmes), du pancréas (+4,3 % chez les femmes et 5,3 % chez les hommes), du rein (+5,3 % chez les hommes) et du sein (+1,7 %)
« Il faut le prendre à bras-le-corps »
« En France on considère qu’il y a à peu près 15 000 [nouveaux] cas de cancer chez les moins de 40 ans. Cela reste modeste mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’en occuper. Il faut le prendre à bras-le-corps », poursuit-il.
Selon ce professionnel, l’amélioration des dépistages n’explique pas cette hausse chez cette catégorie d’âge. En effet, si les diagnostics sont plus rapides ou plus précoces, « la rareté fait qu’on ne s’attend pas à voir ce type de pathologie à cet âge-là ».
Et si des données américaines démontrent un lien avec la consommation d’aliments ultratransformés, il n’y a pas de causalité. « Aujourd’hui, on n’est pas capable d’expliquer de manière mécanistique pourquoi et comment cette alimentation ou bien les microplastiques ou bien l’exposition à certains polluants pourraient être responsables directement de ces pathologies, enchaîne-t-il en soulignant l’importance des recherches. Il faut énormément de moyens car ces données épidémiologiques doivent intégrer énormément, à la fois de gens malades, de sujets sains, et de sujet jeunes qui aujourd’hui peuvent être exposés à un certain nombre d’éléments. Et il va falloir comprendre la différence entre ceux qui développent une pathologie et ceux qui ne la développent pas. […] Arriver à aller très profondément dans les caractéristiques de la maladie pour la comprendre et aider à déterminer les meilleures stratégies thérapeutiques. »
40 % des cancers peuvent être évités
Pour limiter ces risques, l’orientation prise est de développer la prévention et le dépistage personnalisé. C’est-à-dire, se baser sur l’histoire familiale, la génétique, les caractéristiques et l’exposition environnementale pour déterminer si une personne est un sujet à risque afin de proposer à ce dernier des examens plus fréquents ou poussés. D’où un appel aux « grands philanthropes » pour soutenir les projets de recherche et institutions afin de recruter et garder les chercheurs et médecins, mais aussi aider au développement de médicaments. Ce qui implique aussi de développer les possibilités de rencontres entre les acteurs des différents secteurs, de la santé comme de l’industrie.
Investir, c’est d’ailleurs payant. Selon la Fondation pour la recherche contre le cancer, le taux de guérison (aucune rechute dans les 5 ans après le traitement) progresse : « Entre 1990 et 2015, le taux de survie de cinq ans après le diagnostic est passé de 79 à 88 % pour les cancers du sein, de 72 à 93 % pour les cancers de la prostate, de 51 à 63 % pour le cancer colorectal mais seulement de 9 à 20 % pour les cancers du poumon et de 4 à 11 % pour les cancers du pancréas ».
Il est aussi possible d’agir individuellement pour limiter les risques. « 40 % de cancers peuvent être évités, rappelle Fabrice Barlesi. On sait qu’ils sont liés à quatre facteurs principaux : le tabac, l’alcool, la sédentarité, et les surpoids et la nutrition. »
Source : https://www.lavoixdunord.fr/