Le cancer du pancréas en nette progression : "Avant, on soignait des patients de 70 ans, maintenant, ils ont la cinquantaine, voire moins".
Le cancer du pancréas est l’une des pathologies cancéreuses les plus redoutables. C’est en France que son incidence progresse le plus rapidement, et notamment dans les secteurs ruraux. À l'hôpital de Flers dans l'Orne, le nombre de patients traités pour cette maladie a été multiplié par 5 en 10 ans.
es cas de cancer du pancréas ne cessent d'augmenter, partout dans le monde. Actuellement classé 7ᵉ cause de décès au niveau mondial, il pourrait devenir la deuxième cause de mortalité par cancer dès 2030. Une progression inquiétante que les soignants du centre hospitalier Jacques Monod de Flers (Orne) ont, eux aussi, constatée.
En 2021, les cancers de mauvais pronostic (poumon, foie, pancréas, estomac, système nerveux central, œsophage) étaient supérieurs en Normandie par rapport à la moyenne nationale (23,2 % contre 22 %). (source : ARS)
Une nette progression du cancer du pancréas dans la région de Flers en 10 ans
Le Docteur Henneresse est hépato-gastro-entérologue et oncologue digestif au centre hospitalier Jacques Monod de Flers. Le Groupement Hospitalier de Territoire "Les collines de Normandie" dont il fait partie assure la santé d'un bassin de population de 130 000 personnes.
Des cas de cancer digestif, le Dr Henneresse en voit passer. Mais depuis quelques années, ce sont les cancers du pancréas qui l'inquiètent le plus : "Tous ceux qui font de la cancérologie vous diront qu'on ne voit que ça !"
Difficile de savoir si l'Orne compte plus de cas de cancer du pancréas qu'ailleurs. Contactée, l'Agence Régionale de Santé n'a pas communiqué de chiffres pour l'instant. Mais ce que le Dr Henneresse constate, c'est une nette progression.
Il y a 10 ans, on était sur 4 à 7 cancers du pancréas, là, on en est à 26 par an.
Dr Pierre-Emmanuel Henneresse, hépato-gastro-entérologue et oncologue digestif au centre hospitalier Jacques Monod de Flers (Orne)
Rien que pour le premier mois de l'année 2025, il a déjà reçu 3 patients atteints de cette pathologie, alors qu'il en recevait à peine plus en une année, il y a 10 ans. Ce qui a changé également, c'est l'âge de ses patients : "Avant, on soignait des patients de 70 ans, maintenant, ils ont la cinquantaine, voire moins."
Les pesticides ne seraient pas les seuls responsables
En ce début d'année, le docteur Henneresse reçoit un agriculteur de 54 ans dont le diagnostic est tout récent. "Je me suis dit ça n’arrive pas qu’aux autres, je n'ai pas compris", confie le patient.
Cet agriculteur reste sous le choc de l'annonce, alors qu'il ne présentait pas spécialement de facteurs de risques. Il s’interroge sur l’implication des produits phytosanitaires dans l’apparition de sa maladie, malgré toutes les précautions prises.
"Les phyto, j’ai toujours fait attention. J'utilisais des masques, des cottes jetables... J'étais vigilant." Mais voilà, il y a certains travaux faits dans l'urgence où le masque est parfois oublié. Et des délais à respecter qui ne sont pas forcément suffisants.
Facteurs environnementaux, qualité de l'eau, type d’alimentation, prédispositions : toutes ces pistes restent à explorer. Mais en l'absence de réponses, l'urgence pour le Dr Henneresse, c'est de trouver des moyens de dépistage rapides et efficaces. Car le diagnostic de ce cancer est bien souvent beaucoup trop tardif, limitant l'espérance de vie des patients.
Un cancer très difficile à détecter
Fatigue, amaigrissement et jaunisse sont des signes qui doivent alerter. Mais encore faut-il que le corps se manifeste. Et cela dépend, généralement, de l'endroit où est placée la tumeur.
"La meilleure situation, c'est quand on a une toute petite tumeur, placée près des voies biliaires, qui traversent le pancréas. Elle va comprimer les voies biliaires, comme si on marchait sur un tuyau d’arrosage, et provoquer une jaunisse," explique le Dr Henneresse.
Le problème, c'est quand la tumeur va se trouver sur la queue du pancréas, loin des voies biliaires. Les manifestations cliniques vont être alors très tardives, laissant le temps à la petite tumeur de grossir et de donner des métastases. "Quand c'est un cancer de la queue du pancréas, très souvent, c’est déjà hors traitement."
50% des cas sont diagnostiqués en situation métastatique. Une situation qui limite les traitements et donne une espérance de vie à un an qui est faible. Au total, seuls 20% des cancers du pancréas détectés sont opérables.
Dépister pour mieux traiter
"Le seul moyen pour arriver plus tôt dans la connaissance de la maladie, c'est d'essayer de trouver des actes de dépistage", considère le Dr Henneresse, comme cela existe déjà, par exemple, dans le dépistage du cancer colorectal.
Il espère que la médecine pourra bientôt proposer des analyses de sang ou de salive, capables de pister les biomarqueurs de cancer. Pour l'instant, l'Agence Régionale de Santé, dans sa campagne de dépistage précoce, ne prend en compte que les cancers du sein, du col de l'utérus et colorectal.
En attendant, le Dr Henneresse incite aux bonnes pratiques de l'usage des pesticides, mais rappelle que les agriculteurs ne sont pas les seuls touchés par cette maladie.
Source : https://france3-regions.francetvinfo.fr/