Des mesures pour prévenir la soumission chimique.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié un état des lieux de la soumission chimique, réalisé par le centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A) de Paris. Il ne s’agit pas seulement d’une initiative occasionnée par l’affaire Pélicot, puisque le CEIP-A de Paris réalise des enquêtes annuelles sur le sujet depuis 2003, à la demande de l’ANSM.
La soumission chimique « désigne l’administration d’une substance psychoactive à une personne, sans qu’elle en ait connaissance ou sous la contrainte, dans le but de commettre un délit ou un crime, comme un vol, une agression sexuelle, un viol… » Elle doit être distinguée de la vulnérabilité chimique, où la prise de substance a été le fait de la victime, dont l’agresseur a profité de la faiblesse occasionnée par le produit.
Une augmentation considérable des signalements
L’enquête du CEIP-A de Paris rapporte un total de 1 229 signalements de soumission chimique suspects pour l’année 2022, contre 727 en 2021 (soit une augmentation de 69 %) et 539 en 2020. Pour le CEIP-A, « cette augmentation exponentielle des signalements est à mettre en perspective avec le mouvement européen de libération de la parole #balancetonbar #MetooGHB, lancé dès l’automne 2021, ainsi qu’avec la réouverture des discothèques en février 2022… »
Le Centre mentionne que « les agressions sexuelles sont toujours les signalements suspects les plus mentionnés (58,4 %) aussi bien chez les femmes (63,9 %) que les hommes (33,3 %) et quel que soit l’âge ». Parmi les 1 229 signalements, 97 sont qualifiés de « soumissions chimiques vraisemblables », 346 de vulnérabilités chimiques et 786 de « soumissions chimiques possibles ».
Parmi les soumissions chimiques vraisemblables, l’administration de la substance a lieu majoritairement dans un contexte festif (43,9 %) pour les victimes adultes, alors que le contexte privé vient en première position (46,7 %) pour les victimes enfants (< 15 ans). Les auteurs sont souvent connus des victimes (43,3 %).
Les benzodiazépines, médicaments de choix des agresseurs
La substance incriminée est le plus souvent un médicament (antihistaminique, sédatif, benzodiazépine, antidépresseur, opioïde, kétamine…), mais elle peut aussi être non médicamenteuse (alcool, cocaïne, MDMA – 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine – ou GHB et ses dérivés – acide gamma-hydroxybutyrique).
Une communication déjà ancienne, mais toujours pertinente de l’Académie de médecine rappelait que la substance « idéale pour l’agresseur » devait avoir une action rapide (pour minimiser le délai entre son administration et le délit), brève (pour ne pas éveiller les doutes de la victime), avoir un effet obtenu avec de faibles doses, être d’élimination rapide, difficilement identifiable par la victime (donc insipide, inodore et incolore) et facile à obtenir. Les benzodiazépines réunissent la plupart de ces critères, ce qui explique qu’elles soient un produit de choix pour les agresseurs, en particulier parce que leur identification toxicologique chez la victime est souvent tardive et difficile. C’est une des raisons des écarts entre cas signalés, vraisemblables et possibles.
Comment rendre les médicaments suspects plus facilement identifiables par les victimes
L’ANSM va demander aux laboratoires titulaires d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments à risque de soumission chimique de prendre des mesures pour limiter leur détournement. Il s’agit notamment de rendre ces médicaments plus difficilement dissimulables, en jouant sur leur aspect visuel au moyen d’un colorant ou d’une texture inhabituelle, ou l’ajout d’un goût ou d’une odeur identifiables. Cela a déjà été réalisé avec certaines benzodiazépines (clonazépam). L’ANSM va également travailler pour proposer des solutions à long terme sur les nouveaux médicaments. « L’objectif est de pouvoir modifier les AMM, puis les médicaments effectivement mis sur le marché, sur la base des propositions des industriels et des discussions collégiales qui suivront. » L’initiative doit en effet venir des laboratoires fabricants.
Les médecins ont un rôle important à jouer dans l’accompagnement des victimes et le signalement des cas suspects à un CEIP-A. Pour mémoire, la soumission chimique est une infraction pénale.
Source : https://www.univadis.fr/