Les addictions sont encore trop largement répandues en France.
L’OFDT (Observatoire français des drogues et des tendances addictives) a publié une synthèse des chiffres les plus récents quantifiant l’usage des substances psychoactives et des addictions. Dans un article publié par la revue Polytechnique Insights, son directeur, le Dr Guillaume Airagnes (psychiatre, service d’addictologie de l’hôpital européen Georges Pompidou, Paris), note que ces données montrent d’abord que « les addictions sont largement répandues dans la population française ». Dans une population âgée de 11 à 75 ans s’élevant à 52,1 millions d’habitants, 8 millions environ sont des usagers réguliers d’alcool (dont 3,3 quotidiennement), 11 millions sont des usagers quotidiens de tabac et 1,4 million des usagers réguliers de cannabis (900 000 quotidiennement). Au sein des 27 pays de l’Union européenne (plus la Norvège et la Turquie), la France se situe en 3e position pour la consommation de tabac et de cannabis, à la 7e pour celle de cocaïne (1,1 million d’usagers dans l’année) et à la 12e pour celle d’alcool.
Des résultats encourageants chez les jeunes de 17 ans
Globalement, les consommations d’alcool et de tabac ont baissé depuis dix ans, mais assez modestement. Celle de cannabis est restée stable. Les données les plus encourageantes portent sur les jeunes de 17 ans. En dix ans, l’usage régulier d’alcool est passé de 10,5 % dans cette population à 7,2 %, avec cependant 36,6 % de ces jeunes qui ont eu une alcoolisation ponctuelle importante dans le mois où ils ont été interrogés. L’usage quotidien de tabac est passé de 31,5 % dans cette population en 2011 à 15,6 % en 2022, soit la moitié. Celui de cannabis a baissé de 6,5 % en 2011 à 3,8 % en 2022. On note en revanche une augmentation importante du recours à la cigarette électronique, qui passe de 2,5 % dans cette population en 2014 à 6,2 % en 2022.
Dans l’article de la revue Polytechnique Insights, le Dr Amine Benyama (psychiatre, chef du service d’addictologie de l’hôpital Paul Brousse, Paris) note que la disponibilité de la cocaïne augmente depuis dix ans (estimée par le nombre de tonnes saisies chaque année : 26,5 en 2021, soit une augmentation de 67 % par rapport à 2018). Il remarque que « la cocaïne bénéficie du stéréotype tenace qu’elle ne produirait pas de dépendance. En réalité, si les signes de sevrage physique sont presque inexistants, c’est un des produits les plus tyranniques psychologiquement, avec des cravings extrêmement puissants. »
La cocaïne est la substance illicite la plus consommée
Les substances illicites hors cannabis ont été expérimentées au moins une fois par 14,6 % des 18-64 ans. Il s’agit essentiellement de la cocaïne (2,7 % d’usagers dans l’année), de l’héroïne (0,3 % d’usagers dans l’année), de l’ecstasy/MDMA (3,4-méthylène-dioxymétamphétamine), de la kétamine, des poppers et du protoxyde d’azote. En 2022, 638 décès ont été attribuables aux drogues illicites, à rapprocher des 41 000 décès en lien avec l’alcool et aux 75 320 attribuables au tabac. Il faut également noter les 136 décès liés à l’usage d’antalgiques opioïdes, c’est-à-dire de médicaments détournés de leur usage, dont la consommation n’est pas évaluée.
Le document de l’OFDT estime que le coût social du tabac s’est élevé à 156 milliards d’euros en 2022, celui de l’alcool à 102 milliards et celui des drogues illicites à 7,7 milliards.
Le document s’étend aussi sur les jeux d’argent et de hasard, auxquels 11,9 % des 18-75 ans ont joué au moins une fois par semaine en 2023. Le nombre de joueurs à risque de pratique problématique est estimé à 1 160 000, dont 360 000 à risque excessif.
En avril 2024, la première e‑cohorte nationale ouverte uniquement aux usagers de drogues, ComPaRe Pratiques Addictives, a été lancée. Le Dr Airagnes, qui la dirige, commente : « Nous avons déjà plusieurs milliers d’inscrits. La seule condition pour être éligible est d’être un consommateur de substance psychoactive au moment de l’inclusion dans l’étude. Bien sûr, nous visons un suivi des participants pendant au moins 5 ans, indépendamment du maintien de leur consommation. »
Source : https://www.univadis.fr/