Objectif 2030 : où en est la France dans la lutte contre les hépatites virales ?
Éliminer la transmission de l’hépatite d’ici 2030, c’est l’objectif ambitieux lancé par l’Organisation mondiale de la santé. Mais à cinq ans de l’échéance, peut-on vraiment crier victoire ? La réponse est claire : la science avance… mais le match n’est pas fini. On vous explique.
On en parle peu, elles avancent souvent masquées, et pourtant, les hépatites virales sont toujours bien là. Ces infections du foie, causées principalement par les virus B, C et Delta, font chaque année des centaines de milliers de victimes à travers le monde. La plupart du temps silencieuses, elles peuvent évoluer en complications graves comme la cirrhose ou le cancer du foie. Un vrai poison discret.
Mais l’histoire pourrait changer. En 2016, l’Organisation mondiale de la santé a mis la barre haut : éliminer la transmission des hépatites d’ici 2030. Rien que ça. Un objectif mondial, ambitieux, mais pas impossible à condition d’y mettre les moyens, d’agir vite et surtout, de viser juste. Alors où en est-on aujourd’hui ? Quels sont les virus les plus menaçants ? La France joue-t-elle dans la cour des bons élèves ou rame-t-elle encore ?
Une promesse ambitieuse : adieu hépatites !
En 2016, l’OMS annonçait un objectif mondial qui sonnait presque comme une utopie sanitaire : éliminer les hépatites virales en tant que menace de santé publique d’ici 2030. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura plus du tout de virus, mais que leur transmission, leur dangerosité et leur impact seront largement réduits.
La feuille de route était claire :
- Réduire de 90 % les nouvelles infections
- Diminuer de 65 % la mortalité liée aux hépatites
- Diagnostiquer 90 % des personnes infectées
- Traiter 80 % d’entre elles
Un programme ambitieux, surtout face à des virus parfois sournois, souvent silencieux, et qui touchent des millions de personnes dans le monde.
La France, plutôt bonne élève… mais pas major de promo
L’hépatite C : la plus proche de la ligne d’arrivée
La France fait partie des 15 pays à revenu élevé “en bonne voie” pour atteindre les objectifs de l’OMS. C’est ce que souligne le Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire (BEH) de Santé publique France de septembre 2024.
Grâce à l’arrivée des antiviraux à action directe (les fameux AAD), le traitement de l’hépatite C est devenu ultra efficace. On parle de 90 % de guérison virologique après traitement. En clair : plus de virus détectable dans le sang après quelques semaines.
Mais (car il y a un mais), tout le monde n’est pas dépisté à temps. Et c’est là que le bât blesse : environ un tiers des patients ont déjà une fibrose significative du foie au moment du diagnostic, signe que l’infection traîne depuis un moment.
Le dépistage, talon d’Achille de la stratégie
La stratégie actuelle repose sur un parcours en deux temps pour détecter le virus C : un test sérologique d’abord, suivi d’un test ARN si le premier est positif. Ce parcours est trop complexe pour les publics vulnérables (usagers de drogues, migrants, etc.), qui décrochent en route.
Heureusement, le test sur papier buvard (une simple goutte de sang séchée) a révolutionné le dépistage. Utilisé dans les structures médico-sociales (CSAPA, Caarud), il permet une détection simple, rapide et fiable.
Hépatites B et Delta : des efforts mais un retard à rattraper
Le virus B : une prévention efficace mais inégalitaire
L’hépatite B peut être prévenue par un vaccin disponible depuis 1980 ! Pourtant, une part importante des adultes jeunes et des migrants ne sont pas protégés, faute de vaccination en milieu scolaire dans les années 90 ou de campagnes ciblées à l’âge adulte.
En 2024, 81 % des cas d’hépatite B aiguë rapportés avaient une indication vaccinale. Mais seulement 5 % étaient vaccinés. Autant dire que le potentiel de prévention est immense.
Et le Delta dans tout ça ?
Le virus de l’hépatite Delta (VHD), qui ne se développe qu’en présence du virus B, reste trop souvent sous-diagnostiqué. Le test réflexe (détection automatique du VHD chez tout porteur de VHB) est recommandé mais pas encore généralisé.
Pourtant, il pourrait réduire de 35 % les complications hépatiques et s’avère très coût-efficace.
Des actions ciblées pour ne laisser personne de côté
Pour espérer éliminer la transmission des hépatites, il faut aller chercher celles et ceux qui ne se sentent pas concernés ou qui n’ont pas accès aux soins :
- Offrir le dépistage du VHB gratuitement aux moins de 26 ans
- Renforcer la vaccination des migrants et des jeunes adultes non protégés
- Simplifier le traitement en médecine de ville : en 2022, moins de 10 % des patients éligibles étaient traités par leur généraliste
Et surtout, il faut continuer d’informer. Parce que non, l’hépatite ne touche pas “que les autres”. Et oui, on peut la soigner… à condition de la détecter à temps.
Transmission des hépatites : un combat collectif
Le combat contre la transmission des hépatites est à la fois une question de santé publique, de justice sociale et d’efficience économique. Chaque personne dépistée, traitée ou vaccinée, c’est un pas de plus vers l’objectif 2030.
Mais pour que ce cap ne reste pas un mirage, il faudra un engagement politique fort, une mobilisation des professionnels de santé et une sensibilisation massive du public. Et puis, un peu d’humilité tout de même : souvenons-nous que le VHB devait être éradiquer… pour l’an 2000. On a le droit de rêver, mais autant rester lucide.
Source : https://ma-sante.news/