Cancers de la peau : l’IA aide au dépistage, sans remplacer le médecin.
Les nouvelles technologies pour le dépistage des cancers de la peau faisant appel à l’intelligence artificielle (IA) ont une sensibilité intéressante, mais ne sont pas encore assez spécifiques. Telle est la conclusion d’une étude d’évaluation des performances d’un dispositif couplant l’intelligence artificielle à la dermatoscopie, présentée par le Dr Alexandre Lellouch lors du congrès Medintechs à Paris.
L’accès à un diagnostic rapide est crucial
Le nombre de dermatologues a diminué de près de 25 % en 10 ans, tandis que les cancers de la peau eux (carcinomes et mélanomes) ne font qu’augmenter. Comment pallier la baisse démographique des dermatologues pour que celle-ci ne soit pas responsable d’un diagnostic trop tardif des cancers de la peau et d’une perte de chances pour les patients ? L’accès à un diagnostic rapide est crucial. Dans ce contexte, le Dr Alexandre Lellouch chirurgien plasticien et chercheur à l’Université de Harvard (Boston) et du Cedars Sinai (Los Angeles) aux États-Unis et le Dr Moshe Assouline, médecin généraliste à Paris, assistés d’une équipe de dermatologues, ont évalué les performances d’un dispositif couplant l’intelligence artificielle à la dermatoscopie pour le diagnostic des cancers de la peau. Les résultats préliminaires de cette évaluation ont été rendus publics au congrès Medintechs, avant leur publication définitive dans une revue spécialisée. Ils montrent que ces techniques sont des pistes encourageantes pour faciliter ce dépistage, mais qu’elles ne remplacent pas le médecin.
Cet essai mené dans le cadre de la Maison Abeille à Paris visait à évaluer cette nouvelle stratégie de diagnostic des cancers de la peau, inspirée d’un modèle australien.
« Dans cette étude, nous partageons notre expérience après deux ans d’utilisation d’un appareil d’imagerie le FotoFinder couplé à une dermatoscopie, assistée par l’intelligence artificielle. Cette étude a été menée par une équipe multidisciplinaire de médecins généralistes, dermatologues, chirurgiens plasticiens… Notre essai a confronté, pour le dépistage des cancers de la peau, les résultats obtenus par l’intelligence artificielle, avec l’évaluation clinique d’un dermatologue ou d’un médecin généraliste formé à la dermatoscopie » explique le Dr Alexandre Lellouch.
Photographie informatique et automatisée du corps entier
La technologie FotoFinder repose sur un appareil d’imagerie médicale de dernière génération, utilisée principalement en dermatologie pour la détection précoce du cancer de la peau et la surveillance des lésions cutanées existantes. Fotofinder permet de réaliser en quelques minutes une cartographie précise et automatisée de l’ensemble de la peau en haute résolution. Le système associé, dit Bodyscan Master, repère et analyse les lésions cutanées. L’ensemble permet de visualiser avec précision chaque élément de la peau. Grâce à des lentilles qui agrandissent entre 20 à 70 fois, FotoFinder est capable d’analyser des lésions de 5 millimètres ou plus.
Concrètement, l’examen commence par une photographie informatique et automatisée du corps entier. Puis, la dermatoscopie numérique permet d’obtenir des images détaillées de chaque lésion, sous tous les plans. Grâce à l’intelligence artificielle, le logiciel de Fotofinder, attribue ensuite un score de risque, à chaque grain de beauté ou lésion, analysé selon les critères classiques, comme la taille, la couleur, l’asymétrie, et l’évolution, propre à la règle ABCDE. Le médecin qui supervise l’examen vérifie l’adéquation entre le résultat et l’examen clinique.
« Ces résultats soulignent l’importance d’un modèle hybride, où l’IA assiste le médecin sans remplacer son expertise » - Dr Lellouch
Sensible, mais pas assez spécifique
L’étude a analysé 403 lésions chez 271 patients examinés par FotoFinder entre novembre 2022 et juillet 2024 à la Maison Abeille. Au total, 130 cancers de la peau ont été découverts. Les résultats préliminaires montrent que cette technologie couplée à l’intelligence artificielle a une sensibilité élevée (92,31 %), pour détecter les lésions malignes. En revanche, elle n’est pas encore assez spécifique (40,80 %), avec donc un risque de surdiagnostic. « Si l’IA a permis d’identifier des lésions malignes que l’évaluation clinique seule aurait pu manquer, elle a aussi classé 8 lésions malignes comme bénignes, reconnaît le Dr Lellouch. Ces résultats soulignent l’importance d’un modèle hybride, où l’IA assiste le médecin sans remplacer son expertise. »
« Les interactions entre médecins et intelligence artificielle vont conduire de plus en plus vers une médecine plus personnalisée et efficace » - Dr Lellouch
Par ailleurs, les images et les résultats de l’analyse sont stockés dans la base de données pour servir de comparatif lors d’un examen ultérieur. Pour l’instant, le diagnostic doit être nécessairement confronté au diagnostic clinique du médecin. « Ces nouvelles technologies ouvrent cependant des perspectives pour l’avenir, affirme le Dr Lellouch. Les interactions entre médecins et intelligence artificielle vont conduire de plus en plus vers une médecine plus personnalisée et efficace. »
Cet article a initialement été publié sur Medscape.fr.
Source : https://www.univadis.fr/