La classe politique et les syndicats unis pour la survie des hôpitaux réunionnais.
Le gouvernement est revenu sur sa promesse d’augmentation du coefficient géographique des hôpitaux de l’île, a annoncé ce matin Huguette Bello lors d’une conférence de presse rassemblant des élus de gauche et de droite, ainsi que les syndicats hospitaliers. La présidente de Région conduira ce lundi une délégation qui sera reçue par Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la santé et des solidarités.
L’État français a-t-il sciemment choisi d’organiser le déficit des hôpitaux publics réunionnais ? Pour une large partie des élus et parlementaires les plus influents de l’île, la réponse est oui. Ce mardi matin, lors d’une conférence de presse organisée par Huguette Bello à l’hôtel de Région, tous sont venus exprimer leur colère face aux « promesses » non tenues à l’issue de la grève menée par l’intersyndicale de la santé en novembre dernier.
Les sénatrices Evelyne Corbière et Viviane Malet, leur collègue Stéphane Fouassin, les députées Emeline K/Bidi et Karine Lebon et leurs collègues Philippe Naillet et Jean-Hugues Ratenon ont répondu à l’appel à l’union sacrée de la présidente de Région, tout comme la maire de Saint-Denis Ericka Bareigts et celui de Saint-Paul Emmanuel Séraphin.
Du baume au cœur pour l’intersyndicale (CFDT, CFTC, FO, UNSA, CGTR) présente dans la salle, qui n’a pas oublié le traitement qui lui a été réservé lorsqu’elle manifestait pour la survie des hôpitaux publics. Conspués sur les ondes radiophoniques, malmenés par les forces de l’ordre, les manifestants voient désormais leurs craintes sur la baisse de qualité des soins relayées jusqu’au ministère de la Santé par une délégation qui sera conduite, le 26 février, par Huguette Bello.
Rappel des faits : pour mettre fin à la grève à la mi-novembre, le gouvernement annonce, par la voix d’Huguette Bello qui délivre le message un matin sur le piquet de grève du CHOR, que le coefficient géographique des hôpitaux sera revalorisé de 3 points, passant de 31% à 34%. « C’était un peu en-deçà de la demande initiale. Mais après tant d’années d’attente, nous avons salué la décision ainsi que le président de la République qui en avait fait la promesse », se souvient la présidente de Région.
Les Antilles et la Corse bien mieux loties
L’augmentation de 3 points, censée apporter 15 millions d’euros supplémentaires dans les caisses, aurait apporté une bouffée d’air dans un contexte où l’État ne compense plus certaines prestations, comme les évacuations sanitaires en provenance de Mayotte, dont le coût est évalué à 10 millions d’euros par an pour 1.600 personnes concernées.
Contre toute attente, les services de l’État ont donc fait savoir que l’augmentation du coefficient géographique sera appliqué de manière « progressive », « en une, deux, trois ou quatre tranches » selon Huguette Bello, alors que cette hausse n’a fait l’objet d’aucune mesure similaire ailleurs en France, « même lorsque l’augmentation du coefficient était plus élevée ».
La présidente de Région relève par ailleurs qu’il s’agit de la première augmentation accordée à La Réunion depuis la création du coefficient en 2006, quand les Antilles en ont obtenu deux et la Corse trois durant la même période.
Mais le camouflet le plus cuisant vient sans doute de l’aide à la trésorerie, accordée du bout des doigts malgré le déficit du CHU estimé à plus de 37 millions l’an dernier : son montant de 3,2 millions est à rapporter aux subventions versées à la Martinique (113,6 millions d’euros) et à La Guadeloupe (79,3 millions d’euros). Surtout, l’aide, même minime, ne sera approuvée qu’après une enquête de l’Igas, l’Inspection générale des affaires sociales, sur la gestion financière des hôpitaux.
« Nous, l’IGAS, ça nous agace »
« Le CHU de Marseille a 127 millions d’euros de déficit. Ils envoient l’IGAS pour ces gens-là ? Nous, l’IGAS, ça nous agace », tance Huguette Bello, en assenant que « le déficit est creusé de toutes pièces par les manquements de l’État depuis plusieurs années ». Même discours chez Ericka Bareigts, meneuse de grève lors du conflit de novembre dernier, qui souligne que le CHU a déjà été passé au crible par «l’Igas, le Copermo et le cabinet Ernst & Young ». « Ce qu’on nous reproche, c’est d’avoir une vision de la santé, et de l’ambition. C’est pour cela que nous avons des outils dernier cri et ça, on nous le reproche, en vérité », avance la maire de Saint-Denis.
« Je suis intervenue chaque année sur le sujet du coefficient géographique. C’est inadmissible, on joue avec la santé des Réunionnais », abonde la sénatrice Viviane Malet, tandis que son collègue Stéphane Fouassin ajoute : « Le coefficient, il n’était pas question de le scinder. Je serai à vos côtés pour ce combat. »
Selon le professeur Peter Von Theobald, coordonnateur du nouveau Collectif santé hôpital Réunion qui regrouperait déjà 350 membres, « la conséquence si le déficit n’est pas compensé sera une baisse de la qualité de tous les soins ». Le médecin relève le fort taux d’absentéisme (11 % en moyenne) dans les services et des problèmes de trésorerie qui ne permettent pas d’approvisionner correctement la pharmacie du CHU. Les syndicats, qui confient que leur préavis de grève court toujours, ont du reste manifesté fermement ce matin leur volonté de participer à la délégation qui sera reçue lundi à Paris par la ministre Catherine Vautrin.
Source : https://www.zinfos974.com/ Thierry Lauret