Lutte contre le chikungunya : l'ARS ne lancera pas de programme Wolbachia à La Réunion.
Alors que l’île fait face à une recrudescence des cas de chikungunya, la méthode Wolbachia, utilisée avec succès dans plusieurs pays, ne sera pas appliquée à La Réunion, comme le souhaite le sénateur Stéphane Fouassin. En cause : la présence majoritaire du moustique Aedes albopictus, déjà porteur naturel de la bactérie Wolbachia, ce qui rendrait la technique inefficace, selon l’Agence régionale de santé.
Développée en partenariat avec l’Institut Pasteur et le World Mosquito Program (WMP), cette technique a déjà fait ses preuves.
"L’OMS reconnaît la fiabilité scientifique de cette méthode, déjà appliquée avec succès en Australie, au Brésil et en Indonésie", a affirmé Stéphane Fouassin.
En Nouvelle-Calédonie, plus de 80 % des moustiques sont désormais porteurs de Wolbachia, et aucune épidémie de dengue n’a été signalée depuis 2019. Cette réussite a permis de réduire significativement l’utilisation d’insecticides et les dépenses sanitaires.
Cette méthode innovante repose sur l’introduction de Wolbachia, une bactérie naturelle, dans les moustiques Aedes aegypti. Présente naturellement chez de nombreux insectes. Wolbachia empêche la transmission des virus responsables de la dengue, du Zika et du chikungunya.
En se répandant dans la population de moustiques via les accouplements, elle bloque peu à peu la propagation des virus.
- Une solution pas envisageable pour La Réunion -
Malgré l’incompatibilité de la méthode avec Aedes albopictus - le moustique tigre présent à La Réunion - Stéphane Fouassin prévoit d’interpeller la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, sur le sujet et d’échanger avec les équipes du WMP ainsi que de l’ARS.
Le sénateur réunionnais s’étonne de l’absence de déploiement du programme sur l’île, alors même que des tests et des conférences ont été menés pour évaluer son intérêt. "Un moustique, c’est un moustique", a-t-il déclaré, soulignant son optimisme quant à une éventuelle adaptation de la méthode à La Réunion.
Un optimisme douché par l'ARS qui met en avant la présence majoritaire à La Réunion du moustique Aedes albopictus, déjà porteur naturel de la bactérie Wolbachia. La technique n'aurait donc aucun effet sur l'insecte, ce qui la rendrait inefficace
- Technique de l’insecte stérile -
À noter que d’autres techniques de lutte contre les moustiques porteurs des virus - notamment celui de la dengue -, sont à l’étude à La Réunion.
L’ARS mise sur la technique de l’insecte stérile (TIS), qui consiste à lâcher des moustiques mâles stérilisés par rayons X, et sur la technique de l’insecte incompatible (TII).
Elle repose sur l’introduction de moustiques mâles porteurs de bactéries rendant les femelles stériles après accouplement. "Ces deux méthodes apparaissent comme des alternatives prometteuses pour réduire progressivement la population de moustiques", précise l’ARS.
- Une campagne de vaccination ciblée -
Pour tenter de protéger les publics les plus vulnérables, une campagne de vaccination a été mise en place. Elle a été officiellement lancée ce lundi par Manuel Valls, ministre des Outre-mer.
Ce premier vaccin, Ixchiq, a reçu une autorisation de mise sur le marché au niveau européen en juin 2024. 40.000 premières doses de ce vaccin sont arrivées à La Réunion jeudi. "50.000 autres doses vont arriver d'ici la fin du mois d'avril" a annoncé le ministre.
Le vaccin est arrivé "dans les délais" a estimé Manuel Valls.
"Le vrai sujet (…) est la capacité de l'industriel de fabriquer (les doses). Je crois que l'on peut dire sans dévoiler de secret qu'il a été mis sous pression (évoquant le directeur de l'ARS) pour que ces doses arrivent le plus rapidement possible" a ajouté le ministre.
Il a aussi précisé qu'"un second vaccin est en cours d'agrément pour la fin du mois d'avril
Dès à présent, les personnes âgées de 65 ans et plus présentant des comorbidités peuvent bénéficier gratuitement de la vaccination.
"Dès que l'on aura reçu les 50.000 autres doses, nous allons élargir (la vaccination) aux plus de 18 ans avec des comorbidités" a souligné devant la presse, Gérard Cotellon, directeur de l'Agence régionale de santé (ARS).
- 15 millions d'euros dépensés à La Réunion pour lutter contre le moustique -
"15 millions d'euros ont été dépensés sur le premier trimestre (pour) les équipes (affectées) à la lutte anti-vectorielle, les locations de véhicules et les vaccins" a aussi détaillé le directeur de l'ARS).
Depuis le début de l’année, plus de 20.000 personnes ont été contaminées par ce virus transmis par les moustiques tigres. "Sachant (…) que tout le monde n'a pas déclaré le fait qu'il était touché par l'épidémie, on peut considérer que l'on est entre 50.000, 60.000, 70.000 personnes qui auraient été atteintes" a déclaré à la presse le ministre des Outre-mer.
Deux morts ont été annoncés le 21 mars et Santé publique France (SPF) a indiqué cette semaine que plusieurs autres étaient "en cours d’investigation" pour déterminer leur lien avec le virus.
Près de 6.000 nouveaux cas ont été enregistrés entre le 17 mars et le 23 mars, selon les derniers chiffres fournis par les autorités sanitaires. Pour la même période, il y a eu 129 hospitalisations de 24 heures. La maladie est particulièrement virulente chez les nourrissons de moins de 2 mois et les patients de plus de 65 ans. Le pic de l’épidémie est attendu mi-avril.
- Pas d'augmentation des arrêts maladie La Réunion -
Vendredi, le centre hospitalier universitaire (CHU) a annoncé l'activation du plan blanc pour faire face à "une situation de tension persistante concernant la disponibilité des lits d’hospitalisation (et) une augmentation très importante de l’activité des (…) urgences depuis plusieurs jours"
Activé sur les deux sites de CHU, à Saint-Denis (nord) et Saint-Pierre (sud), ce dispositif permet de déprogrammer certaines opérations, de rappeler des personnels médicaux en congés, et "de solliciter des renforts médicaux via la Réserve Sanitaire", note le CHU dans un communiqué.
À ce stade, la hausse des cas n'a pas de répercussions sur le nombre d'arrêts maladie. "Le chikungunya n’est pas un motif d’arrêt maladie, il n’existe donc pas de chiffre pour étayer ce sujet" a indiqué la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) interrogée vendredi par l'AFP.
"Ce que nous pouvons affirmer, c’est qu’il n’y a pas d’augmentation significative du nombre d’arrêts maladie en ce moment comparé à la même période l’année dernière" a complété la CGSS.
Source : https://imazpress.com/