Cancer : le cyclotron réunionnais prêt à rayonner dans l’océan Indien.
Malgré un rapport critique de la Chambre régionale des comptes, le GIP Cyroi défend son modèle unique dans la zone. Son cyclotron produit un radiotraceur indispensable à l’imagerie TEP, outil de pointe pour le diagnostic et le suivi des cancers. Son directeur, Christian Meriau, annonce un tournant stratégique : les premières livraisons de radiotraceurs vers l’île Maurice.
Pointé du doigt par un audit flash de la Chambre régionale des comptes (CRC) en 2024, le GIP Cyroi, qui abrite le seul cyclotron de La Réunion, assume ses fragilités mais revendique un rôle essentiel dans la prise en charge du cancer sur l'île. « Le cyclotron permet de produire un élément radioactif, le fluor 18, qu’on va accoler à du glucose. Cet ensemble-là va être injecté aux patients pour faire l’imagerie du cancer », explique son directeur Christian Meriau. Ce radiotraceur est ensuite utilisé pour des examens TEP (tomographie par émission de positons), capables de repérer les cellules cancéreuses avec une précision inégalée.
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L’imagerie TEP permet notamment de localiser des tumeurs bien plus petites qu’une tête d’épingle, d’identifier d’éventuelles métastases et d’orienter avec justesse la stratégie thérapeutique : chirurgie, chimiothérapie, ou radiothérapie. « Cette technologie a révolutionné l’imagerie du cancer », souligne Maya Césari, directrice scientifique du Cyroi. Grâce à elle, les oncologues peuvent suivre l’évolution de la maladie et ajuster les traitements.
Objectif 7.000 patients
En 2023, l’installation au CHU de Bellepierre de la première caméra TEP grand champ de France — et douzième au monde — a doublé les capacités d’examen. Résultat : 6.100 patients ont pu être examinés en 2024, contre 4.000 l’année précédente. L’objectif 2025 est fixé à 7.000. « À La Réunion, on n’a pas du tout été en retard. Il faut quand même être un peu fier de ce qu’on a fait », glisse Christian Meriau.
Mais l’équipement reste fragile, et c’est ce que pointait la CRC : en décembre 2023, une panne de 20 jours a désorganisé les examens. « Faute à pas de chance », concède le directeur, la pièce manquante venant des États-Unis. « Avant, 20 jours de panne, c’était 250 patients à recaler. Aujourd’hui, c’est le double. » Le GIP a donc musclé sa stratégie : création d’une deuxième ligne de radiosynthèse, achat d’un onduleur pour pallier les coupures de courant, stock renforcé de pièces détachées, et réorganisation des plannings pour rattraper les retards.
Ce progrès technologique s’accompagne d’une reconnaissance régionale. L’île Maurice, qui vient d’installer sa première caméra TEP, va désormais être approvisionnée en radiotraceurs depuis La Réunion. « Il est probable que d’ici très peu de temps, c’est une question de desemaines, presque dejours... on va pouvoir débuter l’expédition justement de radiotraceurs », se réjouit Meriau. Une fierté pour l’équipe, notamment parce qu’elle garantit « une qualité de fabrication au niveau européen ».
L’exportation, un défi logistique de taille, suppose une organisation millimétrée : « Il faut avoir consommé le produit dans les huit heures. Si l’avion est retardé, c’est mort », prévient Christian Meriau. Le conditionnement est tout aussi spécifique : « C’est un petit flacon en verre qui est dans un pot en tungstène, dans une valisette de 18 kg. »
À terme, d’autres pays pourraient manifester un intérêt, mais la priorité reste Maurice. « Madagascar, c’est une autre organisation, une autre logistique. À Maurice, en 30 minutes, on peut livrer », précise-t-il. Pour les porteurs du projet, la priorité a toujours été de garantir un accès public à l’imagerie du cancer. Et pour la première fois dans la zone, un petit flacon réunionnais pourrait bientôt changer la donne au-delà des frontières de l’île.
Source : https://www.zinfos974.com/